Avis d'expert

L’autonomie en trompe-l’œil des travailleurs indépendants

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Liberté, souplesse horaire, facilités d’organisation, maîtrise du temps … Dans un contexte favorable aux start-ups et à l’auto-entrepreneuriat, les arguments qui séduisent les candidats au travail indépendant sont connus. Pourtant, la réalité est bien plus rude, comme le démontre Julie Landour, chercheuse post-doctorante, qui vient de publier une étude décapante au CEET, Cnam (centre d’études de l’emploi et du travail) sur la flexibilité apparemment offerte par le non-salariat. Un chiffre est éloquent : seuls 68 % des indépendants estiment que leur statut favorise la conciliation des temps professionnels, sociaux et familiaux… contre 82% des salariés.

Trop d’horaires atypiques et imprévisibles

C’est la principale surprise de ce document. En 2016, 78% des indépendants déclaraient pouvoir organiser leur travail à leur convenance, contre… 83% des salariés. « Cette autonomie des indépendants s’est réduite entre 2012 et 2016 (de 10 points), souligne Julie Landour. Cette baisse suggère que les transformations du non-salariat contemporain modifient les caractéristiques qui lui étaient jusque-là attribuées ». Ainsi, contre toute attente, 49% des femmes indépendantes déclarent qu’il leur est difficile, voire impossible de gérer les imprévus personnels, un taux semblable à celui des femmes salariées (45%)

Certes, les indépendants travaillent beaucoup (50h56 en moyenne par semaine). Mais surtout, selon la perception des sondés, deux facteurs signent l’emprise très forte du travail sur la vie quotidienne. Tout d’abord, les horaires atypiques, qui grignotent le samedi (pour 86 % des indépendants), le dimanche (60 %), le petit matin (38 %), le soir (56 %) et la nuit (21 %). L’imprévisibilité des horaires du mois à venir concerne aussi 38% d’entre eux contre 16% des salariés.

Un partage des tâches domestiques dégradé

Dans l’univers de la flexibilité, les inégalités sexuées ont la vie dure : 25 % des femmes installées à leur compte déclarent une charge de travail domestique supérieure à 12 heures, contre 4 % des hommes. Un écart très nettement supérieur à celui – déjà important – observé chez les salariés. Travailler à leur rythme, ne pousse pas les hommes à en faire plus, bien au contraire, comme si en optant pour le non-salariat, ils se désengageaient des tâches ménagères.

La situation s’aggrave lorsque les indépendants sont en couple. Les femmes voient leur charge ménagère s’alourdir encore plus, au détriment de leur investissement professionnel. Ce qui les pénalise en termes de revenus, souligne l’étude. « Loin de favoriser un meilleur partage des tâches domestiques, l’indépendance renforce la division sexuée du travail, conclut l’auteur. Le temps professionnel y est accru pour les hommes, et celui des travaux à la maison pèse davantage pour les femmes. »

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